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Odeurs d'Afrique (épisode 6/6)

Attachements

Autre et dernière incursion dans ce lieu – capitale, les halls de quelques hôtels restaurants tamisés de silence et d’aération. Là, peu de bruit et peu d’odeurs, une sourdine musicale de quelques anciennes chansons françaises, ou de blues, et des tables de deux, ou quatre, occupées par les expatriés du moment, et quelques couples « mixtes » qui chuchotent et sirotent les apéritifs sirupeux  en cocktails fruités et alcoolisés. Les plats et les desserts ne sont pas toujours d’une grande originalité, arrangés qu’ils sont par un personnel naviguant ayant quitté la terre gauloise pour un long périple africain, le Tchad étant l’une des dernières étapes du voyage. Les âges qui se font face ou se resserrent d’un côté du fauteuil se rient des conventions générationnelles et la jeunesse tantôt noire ou blanche, accompagne sans effort apparent la généreuse opulence d’une maturité accomplie, si ce n’est assagie ; ici, chacun se donne les moyens d’une autre respiration, et les codes sont pour un temps oubliés, qui assurent les gestions matrimoniales perdurant dans les deux mondes d’origine. 


Nous quittons ce pays en y laissant quelques traces, celles de nos équipées pédestres, et celles de nos achats, calculés ou impromptus, sans y avoir passé le temps s’y référant qui permet aux négoces d’être négociation et de faire se rencontrer en un croisement singulier deux histoires ou deux destinées. Nous y abandonnons quelques frustrations, celles liées au retour dans un espace dont le temps qui l’anime n’est plus le nôtre, et celles des attentes des retrouvailles en souvenirs immobilisés, manquées, et victimes des changements que les 18 années d’absence n’ont pas vu arriver. Mais nous gardons, et je compterai cela comme une valeur ajoutée au quotidien de mes prochaines années, je garde en moi le souvenir de personnages avec lesquels j’étais en liens officialisés par une mission, et qui sont devenus pendant ce séjour, plus proches, dans le partage réciproque d’un plaisir à se réentendre et à se retrouver vivants. Enfin, je quitte en tristesse la dernière personne saluée avant mon départ, revue et aimée de ce bel attachement qui se moque des distances, dont l’amitié déjà présente il y a 20 ans s’est renforcée en se réaffirmant comme toujours présente, sans profession émue,  démonstration bavarde, ni glose, mais par la grâce de la promesse d’un regard et d’un engagement : sois sûr mon ami, je viendrai te voir.



Quelque part entre Goranes et Boko Haram, 3/01/2015

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