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Odeurs d'Afrique (épisode 3/6)

Entre hier et demain ?

Il reste à revenir au fleuve, et à sa faune, dont les vols  et les survols traversent les frontières et dont les nages et nageurs chevalins et écaillés invitent à la redécouverte de la splendide sauvagerie d’un paysage africain peint d’éléments vivant de la vie dont ils se nourrissaient déjà il y a 4 milles ans. Paysage aux scènes immobiles, ou immuables dont les gestes des acteurs résistent aux modes appelées progrès, en se reproduisant dans la simplicité de leur efficacité quotidienne. Ainsi se déroulent et se développent les grands filets projetés aux cieux par des bras et des élans qui se répètent en de multiples essais de pêche de quelques unes des centaines d’espèces de poissons du fleuve, non encore contaminé par la perche nilote omnivore et dévastatrice.

Lumière d’un jour neuf, qui m’attend en soleil jaune et blanc, sur le sentier bordant la route et dont les graviers ensablés me font regretter la paire de nu-pieds, préférée aux fermetures du cuir habituel. Traversée qui deviendra quotidienne, d’un quartier peu fréquenté qui abrite quelques écoles et les résidences de leurs employées, et où vivent l’une ou l’autre délégation d’officines non gouvernementales, protégées de pancartes annonçant leur qualité européennes ou onusiennes. Chaque bâtisse, quelle soit privée ou collective, est entourée d’un haut mur, lui même surmonté de grillage en cercle et boucles décourageant jusqu’au passage des félins domestiques. Autre surprise de ce retour en pays que je croyais connu, et qui m’avait conquis, les constructions verticales de villas à plusieurs étages, et d’immeubles sur lesquels sont perchés des porteurs de pinces et de marteaux qui les activent en acrobaties sans filin pendant toute la durée du jour et de la semaine.


Une fois traversés quelques ronds-points, victoire de la modernité blanchissante, viennent à nous, à moi, les flots rugissants des moteurs et des carrosseries qui les habillent. Du même élan, s’annoncent chauffeurs et  occupants, deux, trois ou quatre par moto, accrochés à un bout de selle, ou de guidon, rétroviseurs supprimés ou rentrés pour se faciliter le passage entre les 4 roues, et souriant à la vitesse, ou à une mort possible, inattendue, mais définitivement programmée et donc inévitable parce que déjà écrite sur le grand livre ?


Se frayant un chemin entre véhicules à l’arrêt ou mobiles, et deux roues pilotées par d’impressionnants équilibristes, les petites vendeuses d’arachides, et les jeunes porteurs de collections de lunettes, épinglées sur de grandes planches moussues qu’ils tiennent à bout de bras, de téléphones et leurs recharges, attendent un regard ou un arrêt du blanc piétonnier pour lui proposer, fermement mais sans agressivité, un produit toujours à un prix qu’il faudra négocier. Autres rencontres, celles des marchands tenant boutique, que je salue en leur souhaitant la protection de leur dieu sur leur famille, et leurs commerces, et qui me répondent en m’invitant à m’attarder devant les échoppes, et rentrer dans les petits hangars qui protègent du soleil et de la poussières, vêtements, épicerie, ou matériel électrique et électronique. Enfin, une fois la rue principale  abandonnée à sa circulation vibrante et tapageuse, les rues adjacentes s’offrent au regard, parfois en terre ou de sable, bordées  de vendeuses de fruits et de légumes. Ces dernières, assises sur quelques cartons ou perchées sur des caisses, sont entourées des produits à vendre, et bougent en reptations souples sur leur estrade pour peser les ignames, patates douces ou mangues et goyaves. Elles mettront ensuite leur vente dans de grandes enveloppes échappées des précédents événements électoraux, ou des sacs plastifiés, seuls autorisés par la municipalité en remplacement des sachets plastiques qui remplissaient auparavant la ville et ses arbres de leur pollution et de leur noirceur.

(à suivre...)

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