Accéder au contenu principal

 Un jour une conf.,  pour quelques étudiants étrangers...


Migrations : De l’expatriation au refuge : différentes facettes d’un voyage en Europe.

De quoi parle-t-on ?

1. Erasmus : (European Action Scheme for the Mobility of University Students) est le nom donné au programme d'échange d'étudiants et d'enseignants entre les pays européens (univ. et grdes écoles)

Histoire : 3 noms, 4 dates.

>Création : 1987 Le nom du programme vient de celui d’un humaniste et moine néerlandais Érasme (1469-1536).
 Budget : 415,28 millions d'euros2011

> Le 9 mai 2016, jour de l’Europe, Sofia Corradi (qui, jeune et rentrant des U.S. s’était battu pour la reconnaissance de son diplôme de droit dans son université d’origine, à Rome) a reçu des mains du roi et de la reine d’Espagne le prix Charles Quint, qui récompense les personnalités oeuvrant en faveur de la construction européenne. ( autre prix pour la même cause, le prix Charlemagne décerné par Aix-La-Chapelle).
> En 1976 les cursus d’études et diplômes des universitaires italiens en France furent reconnus en Italie. En 1987, le programme Erasmus était né. C’est la détermination de Jacques Delors, président de la Commission européenne (janvier 1985 - décembre 1994) qui permit la création du programme Erasmus.
« Quitter son pays pour une université étrangère, étudier dans une autre langue et s’immerger dans une autre culture, cela change une vie » S. Corradi.

Géographie : les pays européens dans la course

1ère du classement, L’Espagne (en destination et envoi d’étudiants Erasmus) La France est le deuxième pays en nombre d’étudiants Erasmus et la troisième destination européenne .
Plus de trois millions d’étudiants Erasmus depuis 1987. + 1 million de bébés nés de parents qui se sont connus lors de leur séjour Erasmus.

Dans un article paru dans le New York Times le 2 janvier 2014, l’écrivain et journaliste du Corriere Della Sera Beppe Severgnini écrivait : « la génération Erasmus, les millions de jeunes hommes et femmes qui ont passé leurs vingt ans à partager leurs bureaux, leurs laboratoires, leurs salles de cours, leurs appartements et leurs lits à travers l’Union arrivent peu à peu aux affaires. Ils ont un devoir et le privilège de défendre l’Europe ».
Info. empruntées au Taurillon « magazine eurocitoyen : http://www.taurillon.org/

2. Pourquoi « Erasmus » ?

Desiderius Erasmus Roterodamus, né en 1466 ou 1469 ( ?) (D’un prêtre et d'une fille de médecin). Enfant chétif et d'une grande sensibilité, il endure difficilement ses années d'études pieuses et forcées, à la discipline difficile. Grande soif de connaissances accompagnée par l'école des frères de la Vie commune de Deventer (1478-1483). Ce lieu de l'humanisme hollandais naissant permet à Erasme de se familiariser avec des textes de l'antiquité païenne. Il manifeste très vite indépendance d'esprit et liberté de mouvement. Refusant de s'inféoder à une personne, un pays ou une idéologie, Erasme illustre brillamment l'humaniste chrétien qui se reconnaît pour seule patrie celle des belles lettres et de la foi chrétienne
Paix, piété, belles lettres. Les trois aspects premiers de la pensée érasmienne se retrouvent dans « Eloge de la Folie » (1509) qui va devenir son oeuvre la plus connue. Revêtant astucieusement le masque du bouffon, Erasme prononce un féroce réquisitoire contre les abus de toute sorte et les déviations de l'Eglise. Derrière la farce se trouve énoncée avec vigueur une invitation à retrouver un christianisme authentique soucieux de paix et compatible avec l'esprit des grands auteurs de l'antiquité païenne. Lorsqu'en 1517, il prend en main les destinées du collège des trois langues de Louvain (promotion du latin, grec, hébreux), Erasme est à son apogée et rêve d'une Europe réconciliée avec elle-même. Les succès de ses oeuvres, efficacement diffusées par un puissant réseau "érasmien" depuis son centre névralgique de Bâle (l'imprimerie de son ami Forben) entretiennent cet espoir...
« Peut-être vaudrait-il mieux passer sous silence les théologiens, ne pas remuer ce bourbier, et ne pas toucher ce bois puant. Orgueilleux et irascibles au plus haut degré, ils seraient incapables de m'attaquer en corps par mille conclusions, de me forcer à me rétracter et, en cas de refus, de me déclarer immédiatement hérétique. C'est la foudre dont ils se servent pour faire peur à tous ceux qui ne leur plaisent pas. Je n'ai point de protégés qui me témoignent plus d'ingratitude, et pourtant ils me sont redevables à bien des titres. Heureux par leur amour-propre, comme s'ils habitaient le troisième ciel, ils regardent d'en haut tout le reste des humains comme des animaux qui rampent sur la terre, et en ont presque pitié. » Extraits de « l’éloge de la folie ».

Et si on remontait + loin ?

 Vos ancètres : les « Juvenes ». (et non pas les gaulois !) CF Collegia juvenes de Notre ami Augustus, imperator romanorum
Cet homme extraordinaire, qui a créé la monarchie romaine à l'intérieur, et l'empire romain à l'extérieur, qui a pour ainsi dire posé et fixé la marche de l'histoire pour une portion importante
de l'humanité, pendant six siècles. L’empereur Auguste, né en 63 av. J.-C. (an 691 de Rome), mort à Nole, à 76 ans. Petit neveu de Jules César, cet empereur a inventé les séjours d’étudiants en Europe : envoyant les fils de sénateurs et de patriciens romains dans les différents pays conquis par Rome, pour qu’ils apprennent les sciences politiques et la gestion, il faisait venir dans la capitale les fils des nobles et riches étrangers dont le sol natal était devenu une colonie romaine. Echange de jeunes, et construction d’un empire, non plus seulement sur des bases guerrières, mais sur une connaissance réciproque des pays et de leurs habitants par ses (futurs) gestionnaires, politiques et dirigeants.

<< Henri Iréné Marrou, Histoire de l’éducation dans l’antiquité T2 le monde romain.


3. Ailleurs... et autrement : Expatriés et immigrés",

 Expatrié : sorti de sa patrie- en dehors de.
La patrie s’est constituée en tant que référence, très tardivement : peu usité avant le 17e siècle
Apparenté au latin patria : pays du père, et au grec patria, clan, famille, communauté d’appartenance. Renvoie en fait aux rapports entre un groupe social et l’individu, et est employé la +part du temps sur le mode affectif ; jusqu’à la fin du 16e, on parle de céleste patrie, pour faire référence au paradis…
Son usage le rapproche ensuite davantage de Nation, mais le patriotisme reste attaché à un contexte affectif, alors que le nationalisme s’oriente davantage vers des valeurs politiques plus fortes, et idéologiques (cf les guerres).
On trouve également comme usitée dans le langage commun, à partir du 17e s. l’expression «la petite patrie », lieu dans lequel on se sent bien, région de naissance, ou d’origine. Autre expression, « la mère patrie », qui désigne un pays dont dépend une colonie.
Expatrié : hors de sa patrie. Patrie : lieu de vie, ou de naissance ? Référence au père. Jusqu’à peu de temps (utilisation de la vérification de l’ADN), aucune certitude concernant la paternité.
V actif : expatrier qqun, le faire sortir de sa patrie, et pronominal, s’expatrier, Autre dérivé, apatrié : être fixé qque part ailleurs que dans son pays de naissance, ou être adopté par une patrie autre que la sienne. Rapatrier : assurer le retour dans son pays…se rapatrier, « se réconcilier »

(cf Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française)

 Dehors, et dedans :

- Patrie se relie à pater, padre padrone, patron, patriarcat, patriarche, patrimoine

Allons enfants de la patrie : citoyen qui s’oppose à l’aristocratie, et sort de sa position dominée et dépendante, comme paysan ou artisan, pour accéder à une autre légitimité en devenant soldat, et en donnant son sang impur, pour défendre la patrie.

- Matrie, absent du vocabulaire, mais réapparait sous matrice, matriciel

Le premier assure l’autorité, la transmission et le pouvoir, le second prend racine et donne à voir la genèse , l’histoire et l’origine. L’un combat, défend, installe, l’autre appelle, ressource, protège et éduque.
Qu’y a –il de plus improbable qu’un père ? Père géniteur, ou père nourricier ? : la symbolique de la paternité divine, utilisée dans le livre des chrétiens, est intéressante : Les personnages décrits et racontés dans l’évangile servent de repères, voire d’idéal-type, et la seule paternité reconnue comme efficiente est celle, divine, dont se réclame le fils, qui ne fait jamais mention de celui qui l’a nourri, l’a aidé à grandir, l’a formé, l’a éduqué, Joseph.
Donc que l’on se tourne vers la nature, ou la culture religieuse, le père pose question…jusqu’à l’imposition de la descendance par le père, la mise en place de l’autorité paternelle, puis la mise en avant du « mourir pour la patrie ».
La patrie : La terre des ancêtres, le pays où l’on est né, la nation dont on fait partie, la société politique dont on est membre.
> On croit mourir pour la patrie, et on crève pour des combines de mercantis, prompts à engraisser, à travers tous les charniers, leurs dividendes. — (Victor Margueritte ; Debout les vivants! - 1932)
> …ce qui nous répugne c’est l’idée de Patrie qui est vraiment le concept le plus bestial, le moins philosophique dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit. — (Louis Aragon, La Révolution d’abord et toujours, 1921)
> […] le comte d'Artois, le prince de Condé, et les Polignac sortaient de France pour aller demander à l'étranger non-seulement un asile, mais des secours contre la révolution. C'était les premiers des émigrés qui bientôt vont allumer la guerre civile dans leur patrie et former contre elle une coalition européenne. — (Alfred BARBOU, Les Trois Républiques françaises, A. DUQUESNE, 1879)

Ne dit-on pas, « fils de ta mère, » ? quand on insulte et qu’on veut s’en prendre à qqun ? le recours à la mère est ainsi sacralisé : il appartient à l’injure, absence/transgression du droit, mais mise en route d’un rituel expiatoire, sacrificatoire, de la vengeance ; et il est aussi le dernier retour, le dernier recours, celui qui est une évocation et une invocation à l’heure de la mort :

« Il appelle sa mère » : « maman ».

Nous sommes ici dans l’intime, et dans la relation à la vie,

 Immigrés : entrés, ss frapper parfois, à pied, à cheval, en pirogue…en train ou en avion.
  • Immigrare << migrare : changer de résidence. Im-migrer : entrer, s’introduire dans (1840) immigration : entrée dans un pays de personnes non autochtones venues général pour y travailler. Emploi par métonymie : un ensemble d’immigrés de même origine. (même manip. ou figure de style que lorsque l’on demande un coca, ou que l’on parle d’un handicapé….)
  • Avec ou ss contrat, avec ou ss papier (cf les portugais et le passeport de lapin dans les années Salazariennes/Salazaristes)
  • Arriver dans un pays, en ayant passé une frontière, et après avoir quitté sa patrie. S’être expatrié, par goût ou par nécessité. Par choix. Parce que l’herbe est + tendre dans un autre pré.Pour mieux vivre, pour gagner sa vie, et celle de sa famille, pour connaître autre chose, ailleurs et autrement. Par défi, ou par courage.
Terme qui échappe aux catégories, et les mélange toutes : pas que juridique, mais qd même, pas que sociologique, mais qd même, pas que politique, mais qd même….
- Vient de migration : envol des oiseaux qui passent d’un lieu de à un lieu de reproduction…
- Se fait piéger par les classifications, les mises en boites, ou en cage/ mig de pop., mig de trav. , mig de tourisme…mig. Internes, mig de fuite causée par les guerres, les famines, les maladies…

 Réfugiés conventions de Genève (« relative au statut des réfugiés »), signée en 1951 et ratifiée par 145 Etats membres des Nations unies :
« Le terme “réfugié” s’appliquera à toute personne (…) qui, craignant d’être persécutée du fait de sa race [son origine], de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »

Terme juridique, donc, de la même nature que « national », il fait appel à deux racines, celle de fuite « fugit », et celle de refuge : protection.

Un Emigré retourne le plus souvent dans son pays, quand il n’a plus de travail dans le pays qu’il a choisi pour gagner sa vie, ou qu’il est bien fatigué (retraite). Un réfugié, ne retourne pas sur la terre de ses ancêtres, ou très rarement. Le premier est inscrit dans une histoire, dans une trajectoire, le second reste prisonnier d’un présent trompeur : il ne s’approprie pas son histoire, dont il a cassé le fil, contraint et forcé, et n’envisage pas son futur, comme appartenant à cette histoire.

Bischwiller 14 :05 :2016


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

        Quelques questions anthropo-logiques autour du religieux   Introduction : mais où sont donc passés nos auxiliaires ? La découverte des langues fondatrices de la civilisation méditerranéenne et moyen-orientale est une expérience forte et enrichissante, qui renvoie à la fois à une proximité culturelle structurante, et à une distance épistémologique étonnante. Ainsi, dès l’entrée, une particularité saute aux yeux, qui ne laisse pas d’interroger l’impétrant ou l’apprenti linguiste : les différentes langues et parlers dits de la région du « croissant fertile », hébreu, arabe, araméen chaldéen, copte…expriment le quotidien ou le périphérique en se donnant des moyens excluant l’emploi de deux verbes essentiels parmi ceux utilisés dans les langues occidentales, les verbes « être » et « avoir ». Des périphrases, pronoms ou des prépositions viennent à la rescousse et en remplacement de ces absences dont on dirait côté occident qu’elles nuisent et obèrent d’emblée toute fo
    El fuego, los pirómanos y los bomberos: una violencia realizada.     «Si todo lo que cambia lentamente se explica por la vida, todo lo que cambia rápido se explica por el fuego. [i]  » G. Bachelard   La investigación en educación   es interpelada, desde hace algunos años, por un fenómeno adyacente aunque creciente y que reúne entorno a sí las preguntas y las angustias de los profesionales de la escuela [Charlot B.; Emin J.Cl. 1997]. Los cursos de recreación, los pasillos y las clases son, en efecto, lugares ocupados por otras relaciones distintas de las tradicionalmente admitidas como reparadoras o educativas, y la serenidad se echa a perder por una violencia verbal y gestual que asombra y daña, tanto más   cuanto que aparece de forma imprevisible, incontrolable y repetitiva. [Bachmann Ch. ; Leguennec N., 1996]. Esta violencia escolar   es objeto de numerosas medidas tendentes a reforzar los aspectos reglamentarios y a garantizar la securidad de las personas, pe
    Synopsis de l’ouvrage :   Entre Möbius et Morin : le pari éducatif au risque de la complexité                                                                                           L’écriture de cet ouvrage participe d’une intention et d’une découverte. En première intention, compléter par quelques pages celles déjà écrites il y a quelques années sur la pédagogie, comme processus d’appropriation et d’apprivoisement mutuels dans les situations conjuguant transmission et apprentissage [1] . La réflexion et le retour sur 30 années d’enseignement ont fait réapparaître un élément qui permit de circonscrire le projet et tout à la fois de le polariser : l’utilisation faite pendant certains cours d’anthropologie en Sciences de l’Education, d’une figure mathématique, la bande (ou ruban) de Möbius, pour faciliter l’entrée dans une pensée complexe et éclairer les démonstrations liées aux phénomènes éducatifs, et de rencontres interculturelles.