Souvenez-vous, le bel accord de 1994 dans les Amériques..;
"Libre -échange et Camisole de force"
États-Unis Canada et Mexique
L'ALENA ou les mirages du Libre-échange (Lori M Wallach)
...Loin d’avoir offert de nouveaux débouchés aux entreprises américaines et de les avoir poussées à embaucher, l’Alena a favorisé les délocalisations industrielles et l’ouverture de succursales à l’étranger, en particulier au Mexique, où la main-d’œuvre est bon marché. Dans le secteur agricole, une multitude d’entreprises américaines spécialisées dans la transformation de produits alimentaires se sont également installées au Sud. L’affaiblissement des normes sanitaires et environnementales engendré par l’accord leur a permis de profiter des bas salaires mexicains. En effet, avant 1994, de nombreuses denrées alimentaires transformées au Mexique étaient interdites à l’importation aux Etats-Unis, car jugées dangereuses. Une seule usine mexicaine transformant du bœuf était alors autorisée à exporter ses produits au Nord. Vingt ans plus tard, les importations de bœuf mexicain et canadien ont augmenté de 133 %, poussant à la faillite des milliers d’agriculteurs.
Le déficit commercial des Etats-Unis avec le Mexique et le Canada n’a cessé de se creuser : alors qu’il atteignait tout juste 27 milliards de dollars en 1993, il dépassait les 177 milliards en 2013. D’après les calculs de l’Economic Policy Institute, le déficit commercial avec le Mexique a abouti à une perte nette de 700000emplois aux Etats-Unis entre 1994 et 2010. En 2013, 845 000 Américains avaient d’ailleurs bénéficié du programme d’« aide à l’ajustement commercial » (trade adjustment assistance), destiné aux travailleurs qui ont perdu leur emploi à cause des délocalisations au Canada et au Mexique ou de l’augmentation des importations en provenance de ces pays.
Extraits du monde Diplomatique, juin 2015, p12.
voir aussi, dans le même n° :Le baiser de la mort de l’Europe à l’Afrique Jacques Berthelot
On aurait pu se contenter de ce bel exemple, mais 22 ans après l'ALENA ....
Vu au Sud - Vu du Sud
508) Tout est lié 6/21 : les relations commerciales de l'Europe avec l'Afrique toujours en mode "dominant-dominé"
L'Europe rate une occasion unique de construire une nouvelle relation avec les pays africains.
Nous venons de recevoir un excellent
article de Maria Arena, membre de La Commission du commerce
international (INTA) du Parlement européen pour le groupe socialiste. Il
traduit exactement la pensée du SEDELAN, ce que depuis plus de dix ans
nous essayons de faire comprendre. Nous sommes heureux de vous le
proposer ci-dessous.
Aveuglée par une politique de
libre-échange poussée à l'extrême, la Commission européenne s'apprête à
imposer à plusieurs États africains, dans l'indifférence quasi-totale,
des Accords de Partenariat Économique (APE) déséquilibrés par un rapport
de force à l'avantage du continent européen.
Malgré les mises en garde nombreuses et
répétées sur les effets dramatiques de tels accords sur le développement
de la plupart des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), une partie de
la classe politique, des négociateurs et États-membres, mettent en
sourdine leur impact sur les populations au nom d'un ultralibéralisme
débridé, mais censé profiter à tous.
En coulisse, la Commissaire au Commerce
Cécilia Malmström est donc sur le point de réussir un véritable coup de
force : faire ratifier par les pays ACP des accords de libre-échange
dont la majorité ne veut pas ! De son côté, le Parlement européen doit
se prononcer mi-juillet, en commission de commerce international, sur
l'accord conclu avec le groupe du SADC (Botswana, Lesotho, Mozambique,
Namibie, Afrique du Sud et Swaziland) alors que la Commission européenne
espère signer l'APE avec les pays de la Communauté d'Afrique de l'Est
(Kenya, Burundi, Ouganda, Tanzanie, Rwanda) dans les prochaines
semaines.
L'agenda s'accélère, poussé et alimenté
par des Commissaires brandissant des accords soi-disant profitables pour
tous les signataires. Il n'en est rien.
L'Union européenne, première puissance
économique mondiale représentant près d'un tiers du commerce mondial des
biens et services, a "subtilement" réussi à obtenir l'ouverture du
marché d'un bloc de pays non-industrialisés, parmi les plus pauvres au
monde, et ne couvrant ensemble qu'à peine 1% du commerce mondial... Une
aubaine pour le puissant commerce européen !
Négociés depuis déjà 2002, les APE
visent avant tout à mettre définitivement fin aux préférences
commerciales unilatérales accordées par l'UE aux pays ACP depuis 1975
dans le cadre des Conventions de Lomé.
Certains prétendent aujourd'hui que ces
préférences unilatérales étaient une concession faite par l'UE aux pays
ACP. C'est une réécriture grossière de l'histoire. Soyons clairs: ces
préférences n'ont été accordées par l'Europe que dans l'unique but de
maintenir une relation exclusive avec ses anciennes colonies et de
répondre aux besoins d'importations en matières premières à tarif
préférentiel.
Alors que l'Accord de Cotonou juin 2000
prévoyait la conclusion des APE pour 2007, il a fallu attendre 2014 pour
que la majorité des accords soient signés pour les sept régions
délimitées (Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Est, Afrique Centrale,
Communauté de développement d'Afrique australe, États d'Afrique
orientale et australe, États des Caraïbes et les États du Pacifique). Et
entre-temps, seul l'accord avec les Caraïbes a été conclu et ratifié.
Cette
lenteur des négociations est le signe que, contrairement à ce
qu'affirment les Commissaires européens, les ACP ne sont pas tous
demandeurs de ces APE, certainement pas aux conditions proposées.
Décidée à étouffer les réticentes, la
Commission use et abuse de mesures de pression, entre ultimatums et
menace de fermeture du marché européen à tarif préférentiel pour les
pays hors PMA (Pays les Moins Avancés).
La nouvelle date butoir imposée par la
Commission est ainsi désormais fixée au 1er octobre 2016, date à
laquelle six pays africains (Ghana, Côte d'Ivoire, Kenya, Botswana,
Namibie et Swaziland) perdront leurs accès préférentiels au marché
européen si l'APE n'a pas été signé et ratifié.
"La camisole de force des APE", comme
l'avait si bien décrit l'ancien directeur du Monde Diplomatique Ignacio
Ramonet, se fait donc plus pressante que jamais sur les pays africains.
Les "accords de partenariat économique" n'ont jamais aussi mal porté
leur nom, car de partenariat, d'accord négocié entre deux parties sur un
même pied d'égalité, il n'en est nullement question.
Ce ne sont ni des partenariats, ni des "outils de développement" comme le prétendent la Commission européenne ou la DG Trade.
Les APE priveront les pays africains
signataires de plusieurs milliards de recettes douanières, réduiront
leur marge de manoeuvre dans l'orientation de leur politique de
développement, les contraindront à échanger selon les termes imposés par
la Commission européenne, et ce sans considération pour leur situation
économique réelle, leurs besoins et leurs priorités. Quant aux
exportations africaines, elles resteront fortement soumises aux règles
d'origine européenne très contraignantes.
Finalement, en quoi ces APE seraient-ils
davantage bénéfiques au développement africain puisqu'ils n'apportent
rien de plus que ce que l'Europe accorde aux ACP depuis plus de 40 ans ?
En imposant son rythme de travail et ses
conditions, l'Europe rate une occasion unique de construire une
nouvelle relation avec les pays africains, qui reléguerait enfin au
passé cette position de dominant-dominé du XIXe siècle. C'est
regrettable. Et déplorable.
Koudougou, le 8 juillet 2016
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
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