Entre hier et demain ?
Il
reste à revenir au fleuve, et à sa faune, dont les vols et les survols traversent les
frontières et dont les nages et nageurs chevalins et écaillés invitent à la
redécouverte de la splendide sauvagerie d’un paysage africain peint d’éléments
vivant de la vie dont ils se nourrissaient déjà il y a 4 milles ans. Paysage
aux scènes immobiles, ou immuables dont les gestes des acteurs résistent aux
modes appelées progrès, en se reproduisant dans la simplicité de leur
efficacité quotidienne. Ainsi se déroulent et se développent les grands filets
projetés aux cieux par des bras et des élans qui se répètent en de multiples
essais de pêche de quelques unes des centaines d’espèces de poissons du fleuve,
non encore contaminé par la perche nilote omnivore et dévastatrice.
Lumière
d’un jour neuf, qui m’attend en soleil jaune et blanc, sur le sentier bordant
la route et dont les graviers ensablés me font regretter la paire de nu-pieds,
préférée aux fermetures du cuir habituel. Traversée qui deviendra quotidienne,
d’un quartier peu fréquenté qui abrite quelques écoles et les résidences de
leurs employées, et où vivent l’une ou l’autre délégation d’officines non
gouvernementales, protégées de pancartes annonçant leur qualité européennes ou
onusiennes. Chaque bâtisse, quelle soit privée ou collective, est entourée d’un
haut mur, lui même surmonté de grillage en cercle et boucles décourageant
jusqu’au passage des félins domestiques. Autre surprise de ce retour en pays
que je croyais connu, et qui m’avait conquis, les constructions verticales de
villas à plusieurs étages, et d’immeubles sur lesquels sont perchés des
porteurs de pinces et de marteaux qui les activent en acrobaties sans filin
pendant toute la durée du jour et de la semaine.
Une
fois traversés quelques ronds-points, victoire de la modernité blanchissante,
viennent à nous, à moi, les flots rugissants des moteurs et des carrosseries
qui les habillent. Du même élan, s’annoncent chauffeurs et occupants, deux, trois ou quatre par
moto, accrochés à un bout de selle, ou de guidon, rétroviseurs supprimés ou
rentrés pour se faciliter le passage entre les 4 roues, et souriant à la
vitesse, ou à une mort possible, inattendue, mais définitivement programmée et
donc inévitable parce que déjà écrite sur le grand livre ?
Se
frayant un chemin entre véhicules à l’arrêt ou mobiles, et deux roues pilotées
par d’impressionnants équilibristes, les petites vendeuses d’arachides, et les
jeunes porteurs de collections de lunettes, épinglées sur de grandes planches
moussues qu’ils tiennent à bout de bras, de téléphones et leurs recharges,
attendent un regard ou un arrêt du blanc piétonnier pour lui proposer,
fermement mais sans agressivité, un produit toujours à un prix qu’il faudra
négocier. Autres rencontres, celles des marchands tenant boutique, que je salue
en leur souhaitant la protection de leur dieu sur leur famille, et leurs
commerces, et qui me répondent en m’invitant à m’attarder devant les échoppes,
et rentrer dans les petits hangars qui protègent du soleil et de la poussières,
vêtements, épicerie, ou matériel électrique et électronique. Enfin, une fois la
rue principale abandonnée à sa
circulation vibrante et tapageuse, les rues adjacentes s’offrent au regard,
parfois en terre ou de sable, bordées
de vendeuses de fruits et de légumes. Ces dernières, assises sur
quelques cartons ou perchées sur des caisses, sont entourées des produits à
vendre, et bougent en reptations souples sur leur estrade pour peser les
ignames, patates douces ou mangues et goyaves. Elles mettront ensuite leur
vente dans de grandes enveloppes échappées des précédents événements
électoraux, ou des sacs plastifiés, seuls autorisés par la municipalité en
remplacement des sachets plastiques qui remplissaient auparavant la ville et
ses arbres de leur pollution et de leur noirceur.
(à suivre...)
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