Propylées
Après
quelques pérégrinations sans but consumériste, mais qui se sont toutes achevées
par des achats du futile et de l’indispensable, une bâtisse a sa porte ouverte,
qui semble pouvoir offrir une fraicheur débarrassée de la poussière et des
bousculades : on y entend quelques musiques chantées, et nous rentrons
pour découvrir une cérémonie de Noël, à laquelle participent différents groupes
en costume et en toge, vert, brun et bleu, en pagnes unifiant et distinguant
les quartiers et les « cellules ». La cérémonie est orchestrée par un
micro derrière lequel invite à la prière et à l’oraison un homme, fort et
chantant ; les fidèles, puisqu’il s’agit d’une église, répondent à ses offres
par des « amen » de plus en plus rythmés, puis les corps se mettent à
chanter. La salle assise se dresse, se redresse, et la danse emporte les
prières vers la beauté des harmonies charnelles et gestuelles qui
s’offrent au dieu qu’ils louent et
chantent en appelant sa paix et sa puissance de sauvegarde de leurs vœux. Puis
ce sont des chants interprétés par les chorales venues de plusieurs quartiers,
les uns, recopiés du folklore protestant occidental, en rythmie binaire et de
peu d’expressivité, les autres inventés par l’un ou l’autre choriste inspiré
par la tradition. La différence est grande qui libère tout à coup les
expressions sonores, les rythmes et les temps de l’étroitesse harmonique
importée et alémanique, pour que se disent et éclatent les polyphonies syncopées
et les alternances des voix que les corps accompagnent, et embellissent par
leur gestuelle offerte à la grâce d’un érotisme qui tend au sacré.
Je
quitte ces lieux enchantés en regrettant presque de n’y avoir séjourné qu’en
spectateur, décillé et convaincu de l’inanité prétendument candide des rituels
en appelant à l’irrationnel des émotions fidéistes, et construisant sur la
crédulité.
Nous
arrivons à la fin du séjour, et replongeons à deux reprises dans les ruelles et
les dédales du marché, dont le temps sec accentue la nocivité poussiéreuses des
matins aux après midis. Il ne s’agit plus que de laisser partir le regard vers
les couleurs et les formes inaccoutumées des bancs de bois et des échafaudages
qui soutiennent les légumes, et les fruits, les œufs enserrés dans des boites
aux nombreux étages, puis de le laisser glisser vers les montagnes de
chaussures derrière les quelles se cache l’un ou l’autre vendeur, les poulets plongés dans une eau
susceptible de leur conserver leur fraicheur, et les variantes de plastiques
destinés aux services domestiques. Une colonne bien intentionnée m’offre appui
et ombre. Je change alors de posture et devient un ce ceux qui attendent,
espèrent, et surveillent. Filent devant mes yeux les colonnes sans retour des
silhouettes et de leurs couvre-corps. Des regards rieurs ou complices, aux
statues sans visages, je perçois avec plus de distance les différences entre ce
qui se découvre, et ce qui se refuse, ou s’interdit. Mon œil s’essaie au non
voyeurisme, pour m’appliquer à distinguer dans ce que je vois, entraperçois, ou
devine, les identités et les origines ethniques, quand vient brouiller ce
paysage la voix d’un imam dont le prêche du vendredi est enregistré et
retransmis en français. Cette voix invite les croyants à ne se fier qu’à dieu,
incréé et non géniteur, et à se méfier des erreurs commises par d’autres, en
ces temps de fête de la naissance d’Issa, qui n’est ni dieu ni fils de dieu,
mais né d’une femme Myriam mise enceinte par le pouvoir de dieu, infiniment
ceci, et cela. La retransmission radiophonique forte et nette, sert
d’accompagnement aux échanges et aux allées et venues. Elle sera remplacée plus
loin par le journal de RFI, et plus avant, par quelque musique congolaise.
(à suivre...)
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