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Odeurs d'Afrique (épisode 5/6)

Propylées


Après quelques pérégrinations sans but consumériste, mais qui se sont toutes achevées par des achats du futile et de l’indispensable, une bâtisse a sa porte ouverte, qui semble pouvoir offrir une fraicheur débarrassée de la poussière et des bousculades : on y entend quelques musiques chantées, et nous rentrons pour découvrir une cérémonie de Noël, à laquelle participent différents groupes en costume et en toge, vert, brun et bleu, en pagnes unifiant et distinguant les quartiers et les « cellules ». La cérémonie est orchestrée par un micro derrière lequel invite à la prière et à l’oraison un homme, fort et chantant ; les fidèles, puisqu’il s’agit d’une église, répondent à ses offres par des « amen » de plus en plus rythmés, puis les corps se mettent à chanter. La salle assise se dresse, se redresse, et la danse emporte les prières vers la beauté des harmonies charnelles et gestuelles qui s’offrent  au dieu qu’ils louent et chantent en appelant sa paix et sa puissance de sauvegarde de leurs vœux. Puis ce sont des chants interprétés par les chorales venues de plusieurs quartiers, les uns, recopiés du folklore protestant occidental, en rythmie binaire et de peu d’expressivité, les autres inventés par l’un ou l’autre choriste inspiré par la tradition. La différence est grande qui libère tout à coup les expressions sonores, les rythmes et les temps de l’étroitesse harmonique importée et alémanique, pour que se disent et éclatent les polyphonies syncopées et les alternances des voix que les corps accompagnent, et embellissent par leur gestuelle offerte à la grâce d’un érotisme qui tend au sacré.



Je quitte ces lieux enchantés en regrettant presque de n’y avoir séjourné qu’en spectateur, décillé et convaincu de l’inanité prétendument candide des rituels en appelant à l’irrationnel des émotions fidéistes, et construisant sur la crédulité.


Nous arrivons à la fin du séjour, et replongeons à deux reprises dans les ruelles et les dédales du marché, dont le temps sec accentue la nocivité poussiéreuses des matins aux après midis. Il ne s’agit plus que de laisser partir le regard vers les couleurs et les formes inaccoutumées des bancs de bois et des échafaudages qui soutiennent les légumes, et les fruits, les œufs enserrés dans des boites aux nombreux étages, puis de le laisser glisser vers les montagnes de chaussures derrière les quelles se cache l’un ou l’autre vendeur,  les poulets plongés dans une eau susceptible de leur conserver leur fraicheur, et les variantes de plastiques destinés aux services domestiques. Une colonne bien intentionnée m’offre appui et ombre. Je change alors de posture et devient un ce ceux qui attendent, espèrent, et surveillent. Filent devant mes yeux les colonnes sans retour des silhouettes et de leurs couvre-corps. Des regards rieurs ou complices, aux statues sans visages, je perçois avec plus de distance les différences entre ce qui se découvre, et ce qui se refuse, ou s’interdit. Mon œil s’essaie au non voyeurisme, pour m’appliquer à distinguer dans ce que je vois, entraperçois, ou devine, les identités et les origines ethniques, quand vient brouiller ce paysage la voix d’un imam dont le prêche du vendredi est enregistré et retransmis en français. Cette voix invite les croyants à ne se fier qu’à dieu, incréé et non géniteur, et à se méfier des erreurs commises par d’autres, en ces temps de fête de la naissance d’Issa, qui n’est ni dieu ni fils de dieu, mais né d’une femme Myriam mise enceinte par le pouvoir de dieu, infiniment ceci, et cela. La retransmission radiophonique forte et nette, sert d’accompagnement aux échanges et aux allées et venues. Elle sera remplacée plus loin par le journal de RFI, et plus avant, par quelque musique congolaise.

(à suivre...)

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