Attachements
Autre
et dernière incursion dans ce lieu – capitale, les halls de quelques hôtels
restaurants tamisés de silence et d’aération. Là, peu de bruit et peu d’odeurs,
une sourdine musicale de quelques anciennes chansons françaises, ou de blues,
et des tables de deux, ou quatre, occupées par les expatriés du moment, et
quelques couples « mixtes » qui chuchotent et sirotent les apéritifs
sirupeux en cocktails fruités et
alcoolisés. Les plats et les desserts ne sont pas toujours d’une grande
originalité, arrangés qu’ils sont par un personnel naviguant ayant quitté la
terre gauloise pour un long périple africain, le Tchad étant l’une des
dernières étapes du voyage. Les âges qui se font face ou se resserrent d’un
côté du fauteuil se rient des conventions générationnelles et la jeunesse
tantôt noire ou blanche, accompagne sans effort apparent la généreuse opulence
d’une maturité accomplie, si ce n’est assagie ; ici, chacun se donne les
moyens d’une autre respiration, et les codes sont pour un temps oubliés, qui
assurent les gestions matrimoniales perdurant dans les deux mondes
d’origine.
Nous
quittons ce pays en y laissant quelques traces, celles de nos équipées
pédestres, et celles de nos achats, calculés ou impromptus, sans y avoir passé
le temps s’y référant qui permet aux négoces d’être négociation et de faire se
rencontrer en un croisement singulier deux histoires ou deux destinées. Nous y
abandonnons quelques frustrations, celles liées au retour dans un espace dont
le temps qui l’anime n’est plus le nôtre, et celles des attentes des retrouvailles
en souvenirs immobilisés, manquées, et victimes des changements que les 18
années d’absence n’ont pas vu arriver. Mais nous gardons, et je compterai cela
comme une valeur ajoutée au quotidien de mes prochaines années, je garde en moi
le souvenir de personnages avec lesquels j’étais en liens officialisés par une
mission, et qui sont devenus pendant ce séjour, plus proches, dans le partage
réciproque d’un plaisir à se réentendre et à se retrouver vivants. Enfin, je
quitte en tristesse la dernière personne saluée avant mon départ, revue et
aimée de ce bel attachement qui se moque des distances, dont l’amitié déjà
présente il y a 20 ans s’est renforcée en se réaffirmant comme toujours
présente, sans profession émue,
démonstration bavarde, ni glose, mais par la grâce de la promesse d’un
regard et d’un engagement : sois sûr mon ami, je viendrai te voir.
Quelque part entre Goranes et Boko Haram, 3/01/2015
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