Odeurs immigrées
En
sortant de la salle de contrôle, j’inspire de toute la force de mes
poumons, et pour la première fois
depuis des années, je m’arrête en face de la terre africaine et de mes
souvenirs, pour retrouver ce que j’ai si longtemps cherché, et qui m’a
tellement manqué, dans tous les aéroports que j’ai traversés, les odeurs de l’Afrique. Ces odeurs
d’Afrique, chaudes et fortes, de sable
et terre, ocres, jaunes et brunes,
et qui m’annonçaient de belles découvertes et d’immense solitudes, sur
le fleuve, en brousse, aux abords
des villages, et des cités, sur les lagunes et dans les dunes. Ces odeurs
d’Afrique, fortes et enivrantes, et douces et si riches dans leur finesse
foisonnante et changeante avec la naissance du jour, et l’arrivée de la nuit ,
en chaleurs qui perdurent de nuitées en nuitées, jusqu’au réveil, et portées
par un corps dont la sueur entraine et contraint à s’accepter comme diffuseur
de sensations olfactives, pour l’autre, homme et bête croisés ou rencontrés, jusqu’à être soi-même odeur, touchant
parfois à l’irrespirable, et oblige au renoncement lorsque devient impossible
le désodorisant de la douche matinale ou du plongeon dans le fleuve et le
marigot.
J’inspire et ne reçois qu’un vague ressenti qui efface les souvenirs que
m’avaient laissés les respirations tchadiennes, et maliennes, camerounaises,
sénégalaises, congolaises et autres burkinabés…Trop de véhicules qui attendent,
moteur allumé, et la proximité de la ville qui étouffe sous les essences
chimiques et les carburants. Cette
supposition se confirme, au sortir de l’aéroport nous sommes entourés de
centaines de motos, dont la ronde et les pétarades affolent les touristes et
les primo-arrivants. Il faudra attendre d’être arrivés dans le calme refuge de
la concession pour me rapprocher de quelques arbres, bougainvilliers et
acacias, flamboyants, nimiers, pieds d’éléphants, résistants de la saison sèche, et reprendre grâce à eux, une
respiration interrompue et retenue depuis l’arrivée sur la terre
tchadienne. Mais l’enclos est
modeste, et les coursives aussi, qui séparent les abris réservés aux quelques
familles ou couples d’enseignants employés au lycée français de N’Djaména. Rien
qui laisse entrevoir un ciel dégagé des pollutions diurnes de nos brouillards
alsaciens. Il fait nuit, mais les étoiles ne transmettent ni lumières ni
odeurs, celles, jaunes et dorées de leur rougeoiement et des scintillances argentées qui appellent à elles les
sables et les vents de la nuit.
(à suivre...)
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