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Odeurs d'Afrique (épisode 2/6)

Odeurs immigrées

En sortant de la salle de contrôle, j’inspire de toute la force de mes poumons,  et pour la première fois depuis des années, je m’arrête en face de la terre africaine et de mes souvenirs, pour retrouver ce que j’ai si longtemps cherché, et qui m’a tellement manqué, dans tous les aéroports que j’ai traversés,  les odeurs de l’Afrique. Ces odeurs d’Afrique, chaudes et fortes, de sable  et terre, ocres, jaunes et brunes,  et qui m’annonçaient de belles découvertes et d’immense solitudes, sur le fleuve, en brousse,  aux abords des villages, et des cités, sur les lagunes et dans les dunes. Ces odeurs d’Afrique, fortes et enivrantes, et douces et si riches dans leur finesse foisonnante et changeante avec la naissance du jour, et l’arrivée de la nuit , en chaleurs qui perdurent de nuitées en nuitées, jusqu’au réveil, et portées par un corps dont la sueur entraine et contraint à s’accepter comme diffuseur de sensations olfactives, pour l’autre, homme et bête croisés ou rencontrés,  jusqu’à être soi-même odeur, touchant parfois à l’irrespirable, et oblige au renoncement lorsque devient impossible le désodorisant de la douche matinale ou du plongeon dans le fleuve et le marigot.


J’inspire et ne reçois qu’un vague ressenti qui efface les souvenirs que m’avaient laissés les respirations tchadiennes, et maliennes, camerounaises, sénégalaises, congolaises et autres burkinabés…Trop de véhicules qui attendent, moteur allumé, et la proximité de la ville qui étouffe sous les essences chimiques et les carburants.  Cette supposition se confirme, au sortir de l’aéroport nous sommes entourés de centaines de motos, dont la ronde et les pétarades affolent les touristes et les primo-arrivants. Il faudra attendre d’être arrivés dans le calme refuge de la concession pour me rapprocher de quelques arbres, bougainvilliers et acacias, flamboyants, nimiers, pieds d’éléphants,  résistants de la saison sèche, et reprendre grâce à eux, une respiration interrompue et retenue depuis l’arrivée sur la terre tchadienne.  Mais l’enclos est modeste, et les coursives aussi, qui séparent les abris réservés aux quelques familles ou couples d’enseignants employés au lycée français de N’Djaména. Rien qui laisse entrevoir un ciel dégagé des pollutions diurnes de nos brouillards alsaciens. Il fait nuit, mais les étoiles ne transmettent ni lumières ni odeurs, celles, jaunes et dorées de leur rougeoiement  et des scintillances argentées qui appellent à elles les sables et les vents de la nuit. 

(à suivre...)

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