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un soir à la cité U.



Inclusion sociale, entre courants d’air et enfermements ?                   HVG 07 04 2016

1.      Introduction rapide autour d’un mot.

 Comme « Mac Donald,  email, coach, footing & sandwich », « inclusive » est un  terme  anglais et l’expression « inclusive, innovative and reflexive societies » est pratiquée dans les pg onusiens et européens depuis une 10zaine d’années. Une société dite "inclusive" est une société vivante, et ouverte, qui s'adapte aux différences présentes sur son sol, ou aux différentes présences occupant un territoire à partager, et permet à chaque personne de vivre selon ses références, ses repères et ses besoins, une société qui va au devant de ses attentes afin de lui   autoriser toutes les chances de réussite dans la vie. On appelait cela, il y a bien longtemps, société d’accueil. L'inclusion exige donc, pour advenir tt à fait, la mobilisation et la volonté collectives de l'ensemble des acteurs politiques et économique qui se donnent les moyens  de  mettre en question et réaménager les modes de pensée et de réflexion, d'organisation, et d’action pour aider ou accompagner l'intégration des personnes les plus fragiles. Le jeu et ses règles concernent les trois niveaux d’expressivité sociétale, société civile, entre assistance et militance, société  politique entre pouvoir et idéologie et société militaro-religieuse, entre sabre et goupillon. En suivant max Weber, nous écarterons de ces enjeux le savant et l’ermite, comme l’engagement Sartrien par ex., et celui de ses quelques avatars.

2.      Ite missa est.
Tout est dit. Nous pourrions ici rejoindre nos foyers ou nos amitiés et retrouver quelques plaisirs printaniers.
Mais en supposant qu’il me reste quelques minutes, nous allons reculer un peu, en questionnant l’avant, l’ailleurs ou l’autrement, et passer aux courants d’air en questionnant le rapport existant entre l’inclusion et la peur de la grippe (asiatique, salafiste, arabique) :
Inclusion…infusion…intrusion

Ne participons- nous pas  d’une société infusive ?




L'infusion[1] est une méthode d'extraction des principes actifs ou des arômes d'un végétal par dissolution dans un liquide initialement bouillant que l'on laisse refroidir. La métaphore ou l’analogie est tentante, qui nous dirait comment peuvent se passer les essais assimilationnistes ou intégrateurs. En face du refus, ou de la résistance…il faudrait faire appel à la décoction, opération dans laquelle le liquide de plongée est maintenu bouillant. En face d’une passivité résignée, il s’agirait alors plutôt d’une macération dans un liquide laissé à température ambiante. Le solvant n'étant pas nécessairement de l'eau, cela peut être également une huile ou un alcool.
Rappelons puisque nous sommes en Alsace, que l’infusion est en brasserie l'un des deux principaux procédés de fabrication de la bière. On en distingue deux types :
  • l'infusion simple : on chauffe de l'eau que l'on incorpore au malt
  • l'infusion par palier : on incorpore à intervalle régulier de l'eau très chaude ;





Une société intrusive ?
Intrusion. les dictionnaires consultés nous disent à peu près cela : Action de s'introduire dans un lieu, une société, sans invitation, sans droit, sans y être attendu. Intrusion dans un groupe; intrusion de voleurs chez qqn. Arrivée soudaine et inopportune de quelque chose. Action d'intervenir, de s'ingérer dans un domaine sans en avoir le droit.
Ce peut –il que les politiques et autres systèmes de régulation et de contrôle social puissent alimenter et favoriser l’abus de pouvoir, le coup de force, l’abus de faiblesse aussi, la domination du fort « et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » disait Pascal. En outre, le droit, dont se servent les représentant du contrat social, et qui est supposé être l'expression de la justice, n'est-il en fait que le droit du plus fort? « Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.[1] » n’avons-nous pas d’alternative à cette nécessité ? Sommes- nous dans un espace où règne la récursivité, l’un appelant l’autre qui le contient en ses germes, ou son centre de gravité ?

Une "société inclusive" est-ce alors  une utopie ?
Avant de répondre à cette question –dans une 2eme partie qui sera vôtre-, peut-on définir l’inclusion sociale, pour en aborder ensuite les possibles et les méthodes ?

3.      De la notion - Quid, quod ? Appel au dico…..

Inclure :
- "Renfermer, comprendre" : présence dans le groupe/ le corps social d’un corps étranger. Qu’on a mis ou qui s’y est installé : aboutissement d’un processus, qui vise à l’intégration, à l’amélioration, à l’enrichissement. Ainsi le verbe, permet  à la fois  la déclinaison d’un actif et dans la même respiration a une fonction pronominale. 
Enfermer, insérer une chose dans une autre. Fig. Inclure un terme nouveau dans un dictionnaire, l'y introduire : insertion.
. Comprendre, contenir en soi
Inclusion :
Dérivé du latin inclusio, « emprisonnement ».
MINÉR. Corps étranger présent dans un cristal. Des inclusions liquides, gazeuses. - MÉTALL. Petit élément hétérogène qui, enfermé dans un métal ou un alliage, peut en altérer les propriétés. Inclusions provenant de l'élaboration, de la coulée du métal.
- "Enfermer, emprisonner" : action ou constat. Conséquence d’un acte d’enfermement qui vise à l’élimination, temporaire ou définitive, d’un sujet/objet  devant être contrôlé et maîtrisé avant (inclusion préventive) ou après (inclusion curative) d’être/avoir été reconnu comme mal-faisant, inadapté ou dangereux pour la salubrité de son groupe d’appartenance, ou d’élection.

4.      …au concept

Le présupposé théorique de cette intervention renvoie à la perception de l’inclusion comme inscrite dans une temporalité[2]  dans un espace–temps, une temporalité située, et donc comme processus toujours contextualisé, et qui participe de la structuration/déstructuration des interactions entre le dehors (les éléments participant à la construction culturelle  au sens anthropologique) et le dedans (le fonctionnement psychique de l’individu) » (Ferradji, 2003).
L’inclusion relève en outre d’une interaction continue sur des modes majeurs ou mineurs, et des modalités allant de la complémentarité à la répulsivité/ récursivité. (Caractère de ce qui peut être répété théoriquement un nombre indéfini de fois par application de la même règle, par la voie d'un automatisme. Processus récursif; construction récursive), c'est-à-dire interaction pouvant être répétée indéfiniment à l’infini.

Autre espace conceptuel pouvant aider à l’approche de ce processus, la narrativité. En effet, le temps n’irradie pas le processus d’inclusion sans que soit maîtrisé les évènements et les situations ; il est serviteur d’une dimension poétique c'est-à-dire de construction (identitaire) et Il convient ici d’interroger ce que Paul Ricoeur appellait l’identité narrative (Ricoeur, 1985). La narrativité étant définie par Bres comme « la mise en ascendance du temps », autrement dit « mettre en récit telle expérience vécue revient à passer du temps subi au temps maîtrisé » (Bres, 1994). La narrativité permet donc l’historicisation en donnant un sens (direction et but) au récit et contribue par conséquent à la construction identitaire. (1994 La narrativité, Louvain la neuve, ed Duculot) « L’individu devient qqun parce qu’il raconte et qu’on lui raconte des/son histoire-s ».[3]

ll convient également de répondre à Aristote et à une de ses grandes questions sur l’humain : l’homme est-il intelligent parce qu’il a des mains, ou a-t-il des mains parce qu’il est intelligent ?
-         Notre corps ne sert à rien c’est pourquoi, grâce à nos mains nous allons créer des  outils.
-          La main a permis de faire des expériences.
-         La main ne s’est pas développée avant la réflexion ou inversement. La main et la          réflexion ce sont développées simultanément.

Une des conditions de l’inclusion, dans un groupe, un quartier, un espace, une situation, c’est la possibilité pour chaque individu de disposer de possibilités d’aller et venir, de sortir et de rentrer, de créer :
« La créativité, ou bien l’acte de créer et d’inventer, fait bien partie de cette démarche dans laquelle l’individu cherche d’abord à se réapproprier son histoire, à exprimer ses sentiments, ses désirs, sa peur, pour ensuite les communiquer à son environnement, à la collectivité… le but étant de trouver son être, pour l’enrichir, pour accéder à l’émotion, à la plénitude et à un certain degré d’épanouissement. Il s’agit de partager le savoir, qui est le propre de chacun, avec la collectivité ; d’extérioriser son vécu, son histoire ; d’être capable de les communiquer au corps social tout en le sensibilisant[4]».

5.      Moyens et méthodes :
 Mettre en place une dimension sociétale inclusive exige avant tout de regarder les intérêts, entre désirs, et valeurs, de chaque humain présent sur un territoire , national, régional, urbain, rural,  et d'amener, face au diagnostic sur les besoins et capacités de la personne, et  en accord avec son projet de vie, une diversité de propositions, d’orientations, de solutions. Ces solutions doivent se développer au sein de la cité (services publics, et privés, loisirs, entreprises culturelles, sportives …), au sein du milieu éducatif et professionnel ordinaire  et, bien sûr, au sein des établissements et services des secteurs spécialisé ou polyvalents de service social, éducatif, médico-social. Pour devenir acteurs de l'inclusion, ces derniers doivent s'affirmer comme des  espaces d'ouverture, et créer des passerelles entre eux.  

Par ex. :
modes de scolarisation tenant compte des besoins spécifiques de chaque enfant : temps partagé entre l'école ordinaire, la famille de naissance ou putative,  ou le voisinage et les services d’accompagnement, variation des temps de scolarisation en fonction de  la santé physique et psychologique de l'enfant, accompagnement du collectif au sein des classes ordinaires,…
A contrario, l’effet Pygmalion n’est jamais très loin,  et on constate encore aujourd’hui des phénomènes d’exclusions et de discriminations touchant, en milieu scolaire, les jeunes issus conjointement de l’immigration et de milieux peu instruits ou scolarisés.
Ces situations contrent l’intérêt que peut ressentir une partie de la population scolaire, et empêchent sa réussite. Mais elles déstabilisent aussi les équipes scolaires et d’enseignement qui perdent pied parfois devant les réactions individuelles et collectives qu’elles provoquent chez ces jeunes. A long terme, elles hypothèquent l’intégration future (citoyenne comme professionnelle et sociale) de cette jeunesse, ainsi que la cohésion sociale dans son ensemble. 
Cette problématique reste complexe et les solutions classiques, normatives et moralisatrices ou compassionnelles, montrent leur peu d’efficacité. Il semble important aujourd’hui de renverser l’approche de la question, et de s’intéresser à l’inclusion sociale au sein du système scolaire. L’éducation « inclusive » apparaît aujourd’hui comme une nouvelle perspective synthétique, originale et systémique permettant de respecter les diversités sans s’enfermer dans une conception communautariste, d’amener les différents acteurs scolaires à dialoguer, à coopérer, à permettre aux différents points de vue et pratiques d’évoluer avec le temps dans le sens du respect et de l’épanouissement de chacun, et notamment des jeunes en « construction ». Les projets qui réussissent s’inscrivent dans la durée et tiennent compte du besoin de reconnaissance et de sécurité identitaire, affective, corporelle de chacun.
Ainsi l'inclusion des personnes, de toutes les personnes, en milieu ordinaire ne peut s'initier sans l’adhésion collective à des formes de socialité partagées, une intelligence collective débarrassée des concurrences et des évaluations.  L'inclusion est donc possible puisqu'elle se développe déjà sur le terrain, sur certains terrains,  Mais elle requiert un minimum d'investissement et d'effort financier de l'Etat pour une meilleure qualité des accompagnements et des services proposés aux personnes les plus fragiles ou les plus isolées. Aujourd'hui, le corps politique s'est emparé de la notion d’inclusion. Les termes "école inclusive", "société inclusive"alimentent les discours et participent souvent à des effets d'annonce (15 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale prévues cette année (2016)).

6.      S’il fallait conclure…

« Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l’a engendré »
                                                                                                                                  A. Einstein 

Pour commenter cette aphorisme, terminons cette rapide incursion / excursion sur les sentiers fleuris du doute en nous aidant d’un monsieur, Charles Gardou, et de ce qu’il a écrit [5] :

« Nous vivons effectivement aujourd’hui dans une société de l’avoir, de la performance, du profit. Mais la société inclusive constitue un horizon vers lequel nous avons à cheminer. L’enjeu est de taille. La transformation des esprits et des pratiques prendra du temps mais la nécessité est là : amender la terre pour en permettre l’accomplissement. Les hommes sont égaux en droits, mais ils ne sont pas des copies conformes d’un modèle unique. Une société inclusive est une société consciente que l’égalité formelle – en droits – n’assure pas l’égalité réelle – dans les faits. Et que si des situations identiques appellent des réponses identiques, les citoyens les moins armés et les plus précarisés nécessitent des réponses spécifiques.
Aucun être identique n’a existé, n’existe et n’existera : chaque être est singulier. Cependant, nous avons tous en commun une même vulnérabilité. Toute vie est irrémédiablement chétive, imparfaite et condamnée à une issue identique. La vulnérabilité peut, à chaque instant, exploser en nous.
L’idée de société inclusive implique une intelligence collective de la vulnérabilité, conçue comme un défi humain et social à relever solidairement. Il n’y a ni vie minuscule, ni vie majuscule. »
Alors, comment et pourquoi est-on passé de la lutte des classes à la lutte des places ? 
 Il y a donc lieu de mettre l’école en examen. 
7.      Merci.



 [1] Merci WIKIPEDIA, pour une fois, un article intéressant, mais n’en faites pas une habitude !
[2] Blaise Pascal 1656,« Pensées » Paris : Flammarion (2015)
3] la temporalité participe à la structuration des interactions entre le dehors (la culture au sens anthropologique) et le dedans (le fonctionnement psychique de l’individu) » (Ferradji, 2003).
4]G ; Comet, A. Lejeune & C ; Maury Rouen, 2008« Mémoire individuelle, mémoire collective et histoire », Marseille : Ed Solal
[5] Jung Christian, « Travail social et créativité », Pensée plurielle, 2002/1 no 4, p. 105-120. DOI : 10.3917/pp.004.0105
[5]La société inclusive, parlons-en ! Il n'y a pas de vie minuscule,  Érès, coll. « Connaissances de la diversité »,

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