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un jour à Strasbourg en 2013...ville et frontières, cultures et quotidien.



Atelier II – « Quel projet d'éducation aux pratiques interculturelles? »

Synthèse d’Henri Vieille-Grosjean, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg.

L’atelier est présenté par Jean-François Chaintreau comme référé à un contexte d'échange de pratiques réflexives, qui devraient interroger, par leur pertinence, les espaces d'engagement de l’Etat et des collectivités locales et territoriales :
- Comment gérer l’espace-monde, dans sa complexité et les différences qu’il donne à voir dans la gestion du quotidien ?
- Quel projet mettre en place qui respecte l’enjeu sociétal du vivre ensemble ?
- Quelles sont les valeurs communes à construire ?
- Peut-on parler de cultures mobiles en inscrivant la diversité culturelle comme richesse à partager ?
- Dans une approche prospective du métissage, quid de la fonction éducatrice et socialisatrice de la ville ?
- De l’assignation réductionniste au « bienvenue chez vous », quels sont les enjeux et les possibles du vivre ensemble ?

Différents exposés liés à cette introduction thématique ont permis ensuite aux participants de rentrer dans les espaces des pratiques.

Un retour d’abord, sur une étude effectuée dans treize pays européens[1] et questionnant l’inclusion de l’histoire de l’immigration dans les programmes d’histoire. Chargée du projet européen « Accept pluralism » pour la France (CERI-Science po), Angéline Escafré-Dublet a présenté les attendus de la commande, la méthodologie et les conclusions de cette étude :
- évaluer la tolérance sociétale et la reconnaissance de la présence plurielle et de son histoire, dans la programmation d’une histoire unificatrice ;
- interroger la tension existante entre le récit national, renvoyant au centralisme républicain, et l’ancrage dans des histoires multiples, de migrations et d’installation, entre présentisme et assignation.

A cet endroit, quelques réflexions glanées au cours de la présentation et du débat peuvent être reformulées :
- Peut-on parler de « vagues migratoires » ? (cf pateras et passeport de lapin portugais)
- Peut-on procéder à une intégration de la pluralité en pluralisant les contenus (référentiels et d’enseignements) ?
- Quelles sont les références épistémologiques du discours, entre sécularisme et laïcité, tolérance et acceptance[2], histoire et mémoire, relativisme de la norme et référence aux appartenances ?

Dans un autre exposé, Martial Pardo, directeur l’Ecole de Musique de Villeurbanne, nous a conduit à Villeurbanne pour faire Le tour du monde en 25 voisins[3] et découvrir une ville à la fois conservatoire et éducatrice. L’ENM est présentée comme un espace de réciprocité qui invite à se projeter, de l’assignation aux différentes formes de dualité, vers le triangle de la sidération, représenté par les découvertes voyageuses. Voyage intérieur de l’apprivoisement de soi-même comme « ipse » interculturel, et voyage dans le voisinage des instruments de musique et de leurs musiciens.
Richesse de l’expérience, conviction et passion, « il jouait du piano debout » pour nous emmener de la surprise à quelques épiphanies…

Autre référence amenée par Marie-Nicole Rubio, autre pratique et autre chanson, celle du « Furet », association de Mulhouse, au contact de familles et s’adressant à « la petite enfance en 14 langues »[4]. Tout ceci, avec et par l’intermédiaire des parents, qui apprennent à passer de leur rôle d’accoucheurs à une posture d’éducateurs, puisqu’ils sont invités à prendre place, à prendre leurs places, mères chanteuses et apprenant l’exil et la survie.

Enfin, dernier voyage, permis par la technologie de la distance, le Québec, qui s’interroge sur le « nous », lorsqu’il faut conjuguer Nos Origines et Une Société (N.O.U.S). Découvertes de confluences métissées et fierté partagée, pour permettre de questionner les pratiques dites interculturelles, qui ne sont que celles du bon voisinage et de la folklorisation. Aida Kamar, présidente de Vision diversité, en appelle, comme condition du vivre ensemble, à une vision prospective et réfléchie d’une société à bâtir.
Si rien n’est acquis, tout est possible, dans le dépassement des frilosités et des réassurances continuellement invoquées dans les frottements épineux du quotidien.

Ce fut une belle après midi, qui nous a permis d’écouter et de participer à un début de déconstruction de schèmes incorporés et encore très vivaces dans les représentations et les comportements actanciels ; de percevoir qu’il est possible de sortir des assignations, et de s’ancrer dans d’autres espaces de sens, en échappant à la programmatique de la scolarisation, et  du processus d'intégration.

A relever rapidement, l’aspect volontariste de l’introduction, la faiblesse d’un appareillage terminologique encore peu assuré, et qui témoigne de la complexité des phénomènes observés. Enfin, la tension récurrente entre chronos et kairos, temporalités inclusives et moments particuliers de l’universel en chantier.


[1] http://www.accept-pluralism.eu/Home.aspx
[2] Terme plus connu : acceptation
[3] Le tour du monde en 25 voisins, musiques et récits de l'immigration en Basse Normandie : de 1914 à nos jours, Martial Pardo, Mahjouba Mounaïm, livre-CD, Actes Sud / Théâtre de Caen, 1998

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